Carole Ponchon.
Elle a pris sur son temps pour nous répondre :Bonjour Carole, tout d’abord pouvez-vous brièvement vous présenter, préciser votre poste et ce que vous apportez dans le monde du sport ?
CP : « Bonjour à tous et à toutes. J’ai 33 ans (bientôt 34 en réalité) et j’habite Villeurbanne à quelques pas de Lyon… Quand je ne suis pas en déplacement à travers la France, l’Europe ou le monde pour mon travail. 🙂
J’ai grandi dans un petit village des monts du lyonnais. De nature timide et introvertie, les livres étaient (et sont toujours) mes fenêtres sur le monde et le football (que j’ai pratiqué pendant 14 ou 15 ans), mon échappatoire.
Aujourd’hui, je suis la fondatrice et directrice de BeInnovActiv’ que je pense et anime comme une force de proposition, une invitation à innover et à être dans l’action. Concrètement, je suis aujourd’hui freelance en accompagnement des organisations autour de deux axes : 1. De l’idée au projet & 2. Gestion de projets.
Je m’efforce d’apporter un regard nouveau et de créer des passerelles afin que le sport pour le changement social soit reconnu à sa juste valeur. Je suis spécialisée dans les financements européens, l’Empowerment et le Leadership. »
Quels ont été les déclencheurs pour que vous vous engagiez dans ce domaine ?
CP : « J’ai su très tôt que mon corps ne serait pas aussi fort que mon esprit… Et que mes capacités d’anticipation ne me permettraient pas toujours de combler le fossé. Bref, j’aimais et aime le sport pour de multiples raisons mais je savais que je ne ferai pas carrière en tant qu’athlète… d’autant que les perspectives dans le football féminin à l’époque n’étaient pas aussi réjouissantes qu’aujourd’hui ! 😉
Jouer au football m’a aidé à construire mon identité, à me libérer et canaliser ma colère. Sur le terrain, je n’étais pas la timide Carole, mais la féroce Carole. Toujours à fond. Cela m’a donné un but et une direction.
Alors j’ai combiné mon amour des mots avec cette conviction que le sport, utilisé comme outil, peut changer le monde. Et même si en faisant le choix d’entrer en École de Commerce après ma prépa je me disais que je travaillerais dans la finance pour pouvoir mettre mes parents à l’abri… Mes valeurs m’ont vite rattrapée (et heureusement). Je me suis battue pour créer le chemin parcouru et en arriver où je suis aujourd’hui.
Mais l’on est riche que de nos expériences et de nos rencontres. Et c’est lors d’un voyage quasi initiatique aux Etats-Unis, dans le cadre d’un programme d’accompagnement et de développement personnel pour les leaders à hauts potentiels (GSMP) que l’idée de BeInnovActiv’ a pris tout son sens.»
Vous êtes à la baguette sur le projet SWinG financé par la Commission européenne à travers le programme Erasmus+. Ce projet se concentre sur la place des femmes dans les instances dirigeantes du sport. Pouvez-vous nous en dire plus ? Quels sont les freins ? Quels pourraient être les leviers ?
CP : « Je ne suis pas certaine de ce à quoi nous – Carole Bretteville et moi même – pensions lorsque nous avons rédigé le projet en février/mars 2018… Car ce projet est incroyablement ambitieux et stimulant. Avec pas moins de 9 résultats intellectuels à produire ainsi que le développement et la mise à l’essai en direct d’un concept d’autonomisation et de mentorat. Tout ceci dans le but de développer l’art, d’ouvrir les portes pour les femmes aux postes de décisions dans le sport.
SWinG est un projet de 3 ans, il a officiellement commencé le 1er janvier 2019. C’est un projet collaboratif (10 organisations partenaires) cofinancé par Erasmus+ Sport. Il est porté par la Fédération Française du Sport d’Entreprise (FFSE) pour qui je mène le projet.
La première année du projet a été menée tambour battant afin de pouvoir développer, tester et piloter une nouvelle approche, mais aussi assurer un héritage et apprendre de chaque étape. Autrement dit nous avons développé un site web et une campagne de communication, organisé 3 réunions du partenariat, produit 5 livrables, lancé un appel à participantes, sélectionnées 20 couples mentor/mentée et organisé 2 sessions de formation : l’une pour les mentors en octobre au Medef à Paris et l’autre pour les mentées à Copenhague en Novembre.
Les freins à la présence des femmes dans les instances dirigeantes ? Ils sont multiples et réels. Ils s’articulent autour de deux grands axes : les barrières externes (accès, transparence, soutien interne et normes institutionnalisées) et les barrières internes (peur et culpabilité en priorité). Autrement dit, les femmes doivent surmonter les barrières sociales et gagner la bataille sur leur petite voix interne (la bataille entre les oreilles).
Les leviers ? Ils sont de l’ordre organisationnel (implication de la direction générale, stratégie forte en matière de diversité et d\’inclusion, gestion agile, approche intentionnelle de la mise en réseau) ET individuel (formation sur mesure, accès aux modèles, promotion d\’études de cas pratiques, programme de mentorat). La clé est sans doute de s’attaquer par ces deux prismes aux biais des préjugés. Nous espérons que l’approche “tester et développer” dans le cadre du projet SWinG fournira une base solide.
Comment vous êtes-vous imposée en tant que femme dans ce milieu encore très masculin ?
CP : « Déjà petite j’aimais me confronter à la difficulté. Et rien de me faisait plus sourire et ne me motivait plus que d’entendre des parents sur le bord de la touche dire à leur fils : “Allez tu ne vas pas te faire battre par une fille quand même !” Les pauvres, s’ils avaient su qu’entendre cela décuplait mon envie de m’imposer… A 6 ans peu d’enfants tacle sur un terrain de football, encore moins sur des terrains en gore (entre la terre battue et le sable), moi si. Bref la question de s’imposer dans un milieu masculin n’était pas vraiment un problème mais plutôt une motivation.
Est-ce que cela va de soit pour autant ? Non. D’ailleurs mon parcours le prouve en partie. Parfois à force d’avoir l’impression de ne pas pouvoir se faire entendre, il faut savoir bouger et se confronter à l’insécurité. Prendre sa place, où qu’elle soit et rester à la fois humble et solide sur ses appuis. Je suis persuadée que l’on ne s’impose jamais dans ce monde sans devenir d’abord son/sa propre leader. »
Quel accueil avez-vous rencontré ? Avez-vous été confrontée à de la surprise, de l’encouragement, de la haine ?
CP : « Je crois avoir vu à peu près toutes les réactions possibles. Mais au fond, celle qui compte vraiment et qui fait la différence c’est celle de notre petite voix intérieure. Ah le fameux syndrome de l’imposteur… c’est souvent lui qui nous fait interpréter les réactions ou les anticiper. Lui qui nous freine et lui qui nourrit la petite voix qui nous dit que nous n’en sommes pas capable. Le jour où j’ai accepté mes vulnérabilités, j’en ai fait mon propre pouvoir. Être gardienne de but – sur le terrain et dans la vie réelle – revient en réalité à connaître et à accepter ses vulnérabilités… Pour mieux avancer et finalement le regard ou l’accueil des autres ne sont plus les éléments déterminants de notre parcours… Et ne l’ont jamais été en réalité, c’est l’importance qu’on leur donnait qui pouvait nous impacter. »
Avec votre entreprise BeInnovActiv’, quel est votre but ? Comment mettez-vous en place l’accompagnement que vous proposez ?
CP : « ‘Dream. Believe. Become’, c’est la voie proposée par BeInnovActiv’ pour libérer le potentiel des individus comme des organisations. En écho à ce besoin d’une idée forte, d’un moteur (Dream.), d’une acceptation de ses possibilités personnelles et collectives (Believe.) et d’un développement des compétences mises en action (Become). Un chemin sans fin, des possibilités multiples et donc un mantra sans point final.
Avec BeInnovActiv’, je m’efforce de mettre au service du plus grand nombre les compétences et les connaissances acquises durant mes neufs premières années d’expériences professionnelles au sein de structures associatives dans le domaine du sport à l’échelle européenne et internationale. Je souhaite accompagner le secteur dans son développement afin d’agir dans le bon sens et avec sens, pour contribuer à changer le monde par le sport et l’activité physique. Il ne s’agit plus uniquement de communiquer mais également de mieux s’organiser pour développer les potentiels des organisations comme des individus. Bref donner à chacun et chacune l’opportunité de développer son propre et unique Facteur X. »
Quels sont vos objectifs sur le long terme ?
CP : « A long terme, mon rêve est de contribuer avec BeInnovActiv’ à offrir à chacun une perspective d’avenir, une chance de briller à travers le sport, l’éducation et les échanges culturels.
Pour me donner les moyens de réaliser cette vision, je compte m’appuyer sur ma volonté de continuer à développer mes compétences et donc de poursuivre ma montée en puissance dans l’apprentissage tout au long de la vie. En matière d’objectifs concrets, je les définis autour de deux axes :
- Organisationnel/Statutaire : Aujourd’hui je suis auto-entrepreneure. C’est un statut qui me convient pour le moment et qui m’a permis de me lancer sereinement. Mais je vois plus grand et me donne le cap des deux années à venir pour faire passer une nouvelle étape à ma structure. En particulier pour lui donner un autre statut et m’entourer d’une équipe.
- Stratégique : Trouver le positionnement qui me permettra de développer de nouvelles idées (programme d’actions) et d’accompagner au mieux les diverses parties prenantes. »
Un dernier mot pour la fin ?
CP : « Tout d’abord longue vie à Sport’Her by TUC. C’est une initiative qui mérite d’être soutenue et apporte un vent de fraîcheur. Cela me permet de rebondir sur un message clé autour du développement du sport. C’est ensemble seulement et en allant chercher dans la diversité des idées et des pratiques que nous avancerons. C’est aussi en donnant la parole à ses profils différents et en mettant en lumière des histoires de leaders ordinaires et extraordinaires que l’on donnera envie aux personnes de s’engager et de partager par le sport. » Nous remercions Carole Ponchon pour ce témoignage.
Nous vous invitons à nous contacter si vous aussi vous voulez nous faire parvenir un témoignage en tant que sportive ou femme à responsabilité dans le sport & nous invitons bien sûr également les hommes se ralliant au progrès de cette cause à nous transmettre leur témoignage.
Nous vous remercions de nous avoir lu ! A bientôt pour de nouvelles interviews sur Sport’her …